Ce n'était plus un arbre, pas
même du bois mort. Une carcasse frêle que fait grincer le vent. Du haut de sa
colline, sous ses racines nues, un pays se devine, de poussière vêtu. L'herbe
sèche, rebelle, s'accroche où se peut. Des buissons agonisent, la terre se craquelle, poudroie. L'aube triste, éphémère ploie déjà sous le joug d'un soleil
très factice qui consume, foudroie. Quoi de plus triste qu'une aube triste ?
Dans les vallées atones, les traces se confondent, s'enlisent, s'entremêlent.
Disparaissent en avenirs perdus. En ces lieux asséchés la mémoire s'étiole, se
désagrège. Fond.
Il avance. Pensées qui
l'ensorcellent de leurs tristes refrains. Peurs - leurs complices - qui
l'insèrent de leurs liens. Il avance, silhouette grisâtre adossée à son ombre
vacillante figure, avatar filiforme d'un passé ressassé. Il avance mais la
plaine recule au rythme de ses pas. Aveugle, tout autant qu'invisible, il
s'ingénie à ignorer, et le chant de la fontaine lui reste étranger. C'est tout
juste s'il entend un bruit vague qui le laisse confus. Invisible, tout autant
qu'aveugle, il s'évertue à ne pas oublier ce qu'il sait du passé. Et si le vent
lui fait cortège, si les couleurs dessinent signes et repères, ils ne sont
désormais à ses yeux que des décors d'hier ou de vagues chimères au hasard
dispersés. Quelques vagues vestiges de lieux
désenchantés ; son futur du passé.
Au soir, sur la couche de terre
grise, sur son lit de gravas, la farandole folle de ses pensées ne cesse de
l'agiter et ferme toute porte aux rêves guérisseurs. Il dort mais d'un sommeil
qui ne soigne pas. Qui n'éveille pas. Au matin, somnambule, il répète ses pas.
En ces lieux, automate, sa mémoire s'étiole, le désagrège.