samedi 16 septembre 2017

Voyage

J'ai poussé une porte, descendu l'escalier ; j'ai poussé une porte, traversé la forêt. La couronne que j'emporte, au fond de la vallée, scintille de mes rêves, de leurs ombres prospères, que patiemment, j'attends.
J'ai poussé une porte. Egaré, j'ai prié, espéré la lumière ; j'ai repris le sentier. Je n'étais plus de glace mais pas encore de lin. J'allais par les traverses, les sentes improbables, les allées consumées. Je traquais les aubes, les aurores, les recommencements, les déclins périssables, les fins et leurs vertus. J'empruntais les routes peu carrossables et les voies sans issues. J'errais de forges en grottes, de douves en crevasses, j'errais sous les pâtures sans croiser de berger, j'errais dans le maquis, rêche de mes pensées. Je manquais de vacances. De vacances de moi. Je n'étais plus de glace et c'était déjà ça.
Je poussais d'autres portes qui ne résistaient pas. Etait-ce inutile ? Pourquoi presser le pas ? Etais-je plus qu'une ombre en devenir ? Pour l'instant je m'estompe en vue de ce destin. Je m'entraîne, m'exerce, m'approprie le chemin. Je m'ébroue dans les brumes, aux confins du sans-forme. Trop loin ?

Une goutte s'écrase et la feuille frémit. Le parfum de l'aurore déguise le sentier. Une cloche lointaine me convoque. Je viens...

Quelques brindilles sautent, des feuilles mortes crissent. La brume, bien sûr fait escorte. Des formes équivoques me disent d'où je viens. Déjà, je les ignore. La terre, molle, aspire mon élan et mes pensées s'enlisent en des amas spongieux. Les printemps sont des cartes, des dessins griffonnés sur la peau, des rêves indociles. Prémisses. Soubresauts. Les hivers sont des livres ouverts sur les mémoires, des romans facétieux aux chapitres incomplets d'épopées, de boudoirs... Mille miroirs enferment le héros. Mille parfums l'enivrent. Milles potions manœuvrent.


Je m'étais assis là, à l'aplomb de ses berges, sous l'offrande des vents. J'entendais la musique, j'écoutais le silence. Simultanément. Je voyais les nuances des bleus, des verts, des beiges ; la danse des nuages colorant les courants en un tableau mouvant. Je suis resté là, assis, fasciné par l'étreinte, le doux accouplement du fleuve, de la terre et leur miroir fragile, de l'orient au couchant.