dimanche 31 décembre 2017

Au vol



Offre. Offre ta caresse
Aux vents
Vois comme elle s'envole
Loin, par-delà ces
Artistiques voiles
Cambrures de nos formes
Qui enrobent la plaine
Les dômes  les vallons
Brumes de douceurs
Comme autant de baisers
Que donne le ciel
Au sol.

Reçois. Reçois ce qui caresse
Ce qui griffe poudroie
Reçois ce qui égrène
Ce qui gifle foudroie
Reçois cette blessure
Qui trace sur tes lèvres
De si étranges phonèmes
Reçois ce qui te brûle
Ces anciennes  misères
Reçois le doux, le tiède
La morsure du froid.

Reçois cette caresse
Apportée par les vents
D'au-delà
Tendresse du baiser
Que te donne le ciel

Au vol.

samedi 23 décembre 2017

Poudre.

Ce n'était plus un arbre, pas même du bois mort. Une carcasse frêle que fait grincer le vent. Du haut de sa colline, sous ses racines nues, un pays se devine, de poussière vêtu. L'herbe sèche, rebelle, s'accroche où se peut. Des buissons agonisent, la terre se craquelle, poudroie. L'aube triste, éphémère ploie déjà sous le joug d'un soleil très factice qui consume, foudroie. Quoi de plus triste qu'une aube triste ? Dans les vallées atones, les traces se confondent, s'enlisent, s'entremêlent. Disparaissent en avenirs perdus. En ces lieux asséchés la mémoire s'étiole, se désagrège. Fond.
Il avance. Pensées qui l'ensorcellent de leurs tristes refrains. Peurs - leurs complices - qui l'insèrent de leurs liens. Il avance, silhouette grisâtre adossée à son ombre vacillante figure, avatar filiforme d'un passé ressassé. Il avance mais la plaine recule au rythme de ses pas. Aveugle, tout autant qu'invisible, il s'ingénie à ignorer, et le chant de la fontaine lui reste étranger. C'est tout juste s'il entend un bruit vague qui le laisse confus. Invisible, tout autant qu'aveugle, il s'évertue à ne pas oublier ce qu'il sait du passé. Et si le vent lui fait cortège, si les couleurs dessinent signes et repères, ils ne sont désormais à ses yeux que des décors d'hier ou de vagues chimères au hasard dispersés. Quelques vagues vestiges de lieux  désenchantés ; son futur du passé.

Au soir, sur la couche de terre grise, sur son lit de gravas, la farandole folle de ses pensées ne cesse de l'agiter et ferme toute porte aux rêves guérisseurs. Il dort mais d'un sommeil qui ne soigne pas. Qui n'éveille pas. Au matin, somnambule, il répète ses pas. En ces lieux, automate, sa mémoire s'étiole, le désagrège.




samedi 16 décembre 2017

Hier.



J'avais une manie, hier.
Je n'en sais plus la forme
Au détour du bonsoir
Le pourquoi s'est dissous
Sous une trace sombre.
Et les faces s'empilent
Haut, chez le brocanteur
D'âmes, où je devine
Mille miroirs trompeurs.

J'avais une cohorte
De lignes hachurées
Des limbes jusqu'aux tombes
Quelques tracés fidèles,
Plumes, de pleins, de déliés
Chemins de labyrinthes
Ouverts aux catacombes.

J'avais quelques vergognes
En guise de danseuse
Engraissées aux talents
De funestes besognes
Quelques lunes équivoques
Apprêtées de candeur
Prémisses si fragiles
Que le zénith révoque.

Et mes songes s'estompent.

J'ai eu mes simulacres
Mes rêves costumés
Des paradis d'ébène
Sous des masques de nacre
Un manège qui grince
La fontaine tarie
Et les plis impeccables
Aux jupes de majorettes
Qui
De leurs jambes graciles
De leurs pas d'arpenteur
Piétinent le pavé
Virginales coquettes.

Mes songes s'assoupissent...

J'avais. C'était hier
Au détour d'un bonjour
Le pourquoi s'est dissous
Dans la douceur d'un baume.




lundi 30 octobre 2017

Couture.


Au bout de l'étincelle, un fragment de miroir
Des rêves, toutes celles qui hantent les dortoirs
La vie, comme en pénombre, respire lentement
Caresse toute tombe ou berceau, patiemment.

Nous sommes, jusqu'au vertige, assemblages oubliés
L'écume comme l'onde, l'océan courroucé
Nous sommes, sous la croûte, la plaie qui nous ravit
Le geste qui suture, la cicatrice honnie.

Quelquefois la musique retisse quelques liens
Quelquefois, une aurore, comme un ange-gardien
Quelquefois un murmure, presqu'un chant
Mélopée...
Un horizon peut-être
Un fil. A consoler.

samedi 7 octobre 2017

Mandala

Sur la branche d'un hêtre
J'ai poussé un soupir.

Tremblement du feuillage
Entrelacs mordorés,
Quand le ruisseau fredonne
Sous les replis moussus
Un souvenir dépose
Un parfum capiteux.

Ondes sentinelles
Flux mystérieux
Sous mes paupières peignent

Un mandala précieux.

samedi 16 septembre 2017

Voyage

J'ai poussé une porte, descendu l'escalier ; j'ai poussé une porte, traversé la forêt. La couronne que j'emporte, au fond de la vallée, scintille de mes rêves, de leurs ombres prospères, que patiemment, j'attends.
J'ai poussé une porte. Egaré, j'ai prié, espéré la lumière ; j'ai repris le sentier. Je n'étais plus de glace mais pas encore de lin. J'allais par les traverses, les sentes improbables, les allées consumées. Je traquais les aubes, les aurores, les recommencements, les déclins périssables, les fins et leurs vertus. J'empruntais les routes peu carrossables et les voies sans issues. J'errais de forges en grottes, de douves en crevasses, j'errais sous les pâtures sans croiser de berger, j'errais dans le maquis, rêche de mes pensées. Je manquais de vacances. De vacances de moi. Je n'étais plus de glace et c'était déjà ça.
Je poussais d'autres portes qui ne résistaient pas. Etait-ce inutile ? Pourquoi presser le pas ? Etais-je plus qu'une ombre en devenir ? Pour l'instant je m'estompe en vue de ce destin. Je m'entraîne, m'exerce, m'approprie le chemin. Je m'ébroue dans les brumes, aux confins du sans-forme. Trop loin ?

Une goutte s'écrase et la feuille frémit. Le parfum de l'aurore déguise le sentier. Une cloche lointaine me convoque. Je viens...

Quelques brindilles sautent, des feuilles mortes crissent. La brume, bien sûr fait escorte. Des formes équivoques me disent d'où je viens. Déjà, je les ignore. La terre, molle, aspire mon élan et mes pensées s'enlisent en des amas spongieux. Les printemps sont des cartes, des dessins griffonnés sur la peau, des rêves indociles. Prémisses. Soubresauts. Les hivers sont des livres ouverts sur les mémoires, des romans facétieux aux chapitres incomplets d'épopées, de boudoirs... Mille miroirs enferment le héros. Mille parfums l'enivrent. Milles potions manœuvrent.


Je m'étais assis là, à l'aplomb de ses berges, sous l'offrande des vents. J'entendais la musique, j'écoutais le silence. Simultanément. Je voyais les nuances des bleus, des verts, des beiges ; la danse des nuages colorant les courants en un tableau mouvant. Je suis resté là, assis, fasciné par l'étreinte, le doux accouplement du fleuve, de la terre et leur miroir fragile, de l'orient au couchant.