J'ai poussé une porte, descendu
l'escalier ; j'ai poussé une porte, traversé la forêt. La couronne que
j'emporte, au fond de la vallée, scintille de mes rêves, de leurs ombres
prospères, que patiemment, j'attends.
J'ai poussé une porte. Egaré,
j'ai prié, espéré la lumière ; j'ai repris le sentier. Je n'étais plus de glace
mais pas encore de lin. J'allais par les traverses, les sentes improbables, les
allées consumées. Je traquais les aubes, les aurores, les recommencements, les
déclins périssables, les fins et leurs vertus. J'empruntais les routes peu
carrossables et les voies sans issues. J'errais de forges en grottes, de douves
en crevasses, j'errais sous les pâtures sans croiser de berger, j'errais dans
le maquis, rêche de mes pensées. Je manquais de vacances. De vacances de moi.
Je n'étais plus de glace et c'était déjà ça.
Je poussais d'autres portes qui
ne résistaient pas. Etait-ce inutile ? Pourquoi presser le pas ? Etais-je plus
qu'une ombre en devenir ? Pour l'instant je m'estompe en vue de ce destin. Je
m'entraîne, m'exerce, m'approprie le chemin. Je m'ébroue dans les brumes, aux confins
du sans-forme. Trop loin ?
Une goutte s'écrase et la feuille
frémit. Le parfum de l'aurore déguise le sentier. Une cloche lointaine me
convoque. Je viens...
Quelques brindilles sautent, des
feuilles mortes crissent. La brume, bien sûr fait escorte. Des formes équivoques
me disent d'où je viens. Déjà, je les ignore. La terre, molle, aspire mon élan
et mes pensées s'enlisent en des amas spongieux. Les printemps sont des cartes,
des dessins griffonnés sur la peau, des rêves indociles. Prémisses.
Soubresauts. Les hivers sont des livres ouverts sur les mémoires, des romans
facétieux aux chapitres incomplets d'épopées, de boudoirs... Mille miroirs
enferment le héros. Mille parfums l'enivrent. Milles potions manœuvrent.
Je m'étais assis là, à l'aplomb de
ses berges, sous l'offrande des vents. J'entendais la musique, j'écoutais le
silence. Simultanément. Je voyais les nuances des bleus, des verts, des beiges
; la danse des nuages colorant les courants en un tableau mouvant. Je suis
resté là, assis, fasciné par l'étreinte, le doux accouplement du fleuve, de la
terre et leur miroir fragile, de l'orient au couchant.