mardi 29 mars 2016

Crier ?

A son cri, le silence sourit ; à sa façon, sobre, il s'en moqua. Nul fantôme, nulle âme vagabonde ne revint sur ses pas. Nulle aurore ni pénombre ne traça de chemin. Assoupies, les formes monotones esquissèrent leur ronde, rituel du matin.
Sous la coupole oblongue, le cri périclita, s'excusant de n'être plus le même, s'en voulant d'en être arrivé là. Des gémissements sortirent des cavernes. Là, Stupeur étayait le plafond d'où tombaient quelques Peines emportées aussitôt par des Sanglots défunts. Plus bas, bruissaient encore quelques Invectives mêlées à des Remords dont les afflux  visqueux taraudaient les racines d'archaïques piliers. Soudain une secousse interdit le passage d'un essaim équivoque de Peurs et de Plaisirs...
Sur une affiche publicitaire, Chaos paradait : "Chaos est ta demeure, que le ménage soit bien fait !" La musique  lancinante ronflait ses litanies faciles et bon marché, si habiles à se propager que l'air en paraissait saturé. De toutes parts, des prosélytes zélés, éviscéraient consciencieusement des rêves.
Et le cri s'assoupit, se tarit, s'évinça de lui-même. Le vide s'installa. Un écho prit sa place, venant de très très loin, d'avant le marchandage, d'avant les barricades, d'avant tous les linceuls. Un écho androgyne, dépourvu d'origine, psalmodique et cruel. Un écho versatile, féroce procréateur.
Ainsi, chaque nuit, épuisé de cette rivalité sourde, ces féroces combats que se livrent à son insu Echo et Narcisse, ce qu'il reste des rêves viennent apaiser ses misères, relever des décombres ce qui peut encore être sauvé. Au matin, la guerre et ses souffrances, rituels de nos chaînes, peuvent ressusciter.

Parfois, autour de l'équinoxe, entre aurore et pénombre, peu à peu enfle et roule un cri. Le silence sourit...